* des objets
* une situation : une petite annonce, et donc la possibilité d'une rencontre et d'une transaction
* des personnages
Il ne restait plus qu'à tenter d'écrire les histoires :
L'histoire :
Depuis qu'il avait acheté son chalet au Liechtenstein pour y passer
une retraite calme, sereine et la plus longue possible, Athanagor
Schlumbergersteinwall avait dans l'idée de se mettre à la pêche.
Son passe-temps prégéré – les défilés militaires – ne
suffisait pas en effet à rompre totalement l'ennui de son quotidien.
L'ex-chirurgien-major de l'armée serbe avait eu comme un déclic en
lisant cette annonce dans le journal :
« Echangerais volontiers ce cuirassé amphibie contre un
dirigeable submersible ou une locomotive pliable. Je l'ai acheté à
un armateur russe qui souhaitait le vendre à la marine japonaise,
laquelle n'en a pas voulu pour des futiles raisons de traité de
paix. Il a très peu servi et je l'ai fait repeindre l'an dernier.
Les chaloupes n'ont jamais été utilisées et la chaudière a passé
le contrôle technique. »
Il se dit : mais oui, voilà qui ferait un parfait pavillon de
pêche. Le système amphibie me permettrait aisément, en connectant
les rails jusqu'aux écuries de mon chalet, de passer pour ainsi dire
du salon au lac sans mouiller mes pantoufles, moyennant quelques
menus aménagements . Car mouiller ses pantoufles était ce
qu'Athanagor Schlumbergersteinwall détestait le plus au monde.
L'auteur de l'annonce a mentionné son numéro de téléphone :
voilà qui est pratique, se dit-il, car pour calme qu'il fut, le
chalet d'Athanagor Schlumbergersteinwall était tout de même fort
éloigné des grandes villes. Ainsi donc, il entreprit de composer le
numéro de l'annoncer, et il eut la chance de l'entendre décrocher
aussitôt. Athanagor Schlumbergersteinwall se présenta, et expliqua
son intérêt pour le cuirassé amphibie, et l'autre lui répondit en
faisant l'article, combien l'engin était pratique et économique, et
même décoratif, et qu'il serait certes du plus bel effet sur un lac
de montagne.
— Et que me proposez-vous en échange ?
Athanagor Schlumbergersteinwall proposa alors, puisque l'annonceur ne
souhaitait pas forcément de monnaie sonnante et trébuchante, de lui
céder un aéroplane à propulsion pneumatique, souvenir de la guerre
sino-croate, et dont il ne s'était jamais vraiment servi. Le vendeur
s'énerva soudainement :
— Comment, qu'est-ce que c'est que cette losengerie ? Un
cuirassé muni d'un excellent moteur à vapeur contre un engin dont
le rayon d'action ne dépassera jamais la distance parcourue par une
bourrique à l'amble ? C'est un peu fort, monsieur !
— Mais monsieur, répliqua l'ex-chirurgien-major, me
traiteriez-vous d'escroc ? Eut un temps où je vous aurais
envoyé mes témoins. Votre cuirassé, gardez-le et faites- en une
niche à fox-terrier ! Serviteur, monsieur.
Et il raccrocha . Athanagor Schlumbergersteinwall était furieux,
mais pis que cela, il était déçu, car un instant, il avait cru
qu'il allait enfin avoir son pavillon de pêche...
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STEAMPUNK
GOLD EDITION
Presents
JACK
SAVE
THE QUEEN!
Une
petite histoire du docteur Jekyll,
Une
histoire officieuse du tunnel sous la Manche !
Tout
commença par une simple annonce parmi tant d’autres sur un grand
panneau d’affichage lue dans le hall de la gare de Londres. Le
regard du docteur JEKYLL s’arrêta sur l’objet de ses désirs :
« Vends
canot biplace à hélices, jamais servi, cause déménagement en zone
montagneuse, spécialement conçu pour la crue centennale. Fonctionne
avec une chaudière au charbon toute qualité. Autonomie :
quatre heures et huit minutes maximum. Livré avec deux arbalètes à
cordes pour tirer des volatiles en cas de faim soudaine. Confort
maximal en ce qui concerne l’assise, assuré grâce à un
capitonnage fourré aux plumes de mouettes rieuses. Le tout doré à
l’or fin. Dernier modèle sur le marché. Fabriqué en série par
la Royal Navy. Dix kilos de charbon offert pour tout paiement en
euros. Accepte la livre sterling mais alors garde les arbalètes. »
Bien
sûr le docteur JEKYLL devint acquéreur de ce canot tant convoité.
Ce qu’il ne savait pas, c’est que les hasards de la vie
l’amèneraient à commettre un acte irréparable.
Le
voici donc quelques semaines plus tard attendant son jugement. Son
avocat en pleine plaidoirie, tente une nouvelle fois de l’innocenter,
suite à l’assassinat supposé de sa propre femme.
L’Avocat :
Mr le Juge, voici Mr James JEKYLL, un homme aguerri de 56 ans, né au
début du siècle, le 09 janvier 1801 à Londres, médecin légiste
de la famille royale depuis 28 ans. C’est une personnalité hors
pair dans sa profession, d’une précision et d’une acuité
redoutable dans ses rapports, rien ne lui échappe. Ses pairs disent
de lui qu’il fut un bon père de famille, bien que l’on ne sache
où sont passés ses enfants, n’ayant plus de nouvelles depuis
leurs départs à l’étranger. Bon vivant, il apprécie les vins
français notamment le « Two by God »appellation
londonienne d’un artiste français convertit à l’art du cépage,
un vin à l’arôme divin, fruité de corps, qu’il m’a fait
découvrir par ailleurs et qui permet l’usage de la double vision
d’où son nom et peut-être, si vous me le permettez, l’éveil du
troisième œil !
Le
Juge lui coupa la parole : Veuillez
reprendre la défense, nous ne sommes pas une épicerie fine, nous
sommes sur une affaire de meurtre, gardons les idées claires, point
de troisième œil, s’il vous plaît !
L’avocat : Oui
certes ! Mr JEKYLL est en somme un honnête homme et servir la
couronne est un accomplissement, peu de personnes peuvent en dire
autant. Il a rencontré sa femme de façon peu académique. En effet
il s’agissait de prime abord, d’un cadavre fraîchement repêché
de la Tamise qui s’avéra être plus résistant que prévu. Ce fut
le coup de foudre, la pauvrette croyant voir un ange au paradis !
Je vous assure que Mr JEKYLL a vraiment un grand cœur. Sa fonction
implique de sa part une morale irréprochable. Il n’a jamais eu
d’écarts de conduite envers sa femme même lorsqu’elle montait
dans les aigües lors de colères mémorables mais sans
conséquences. Vous savez comment elles sont ?
Le
Juge : Des
faits ! Des faits !
L’Avocat :
Nous sommes donc ici, suite
à l’achat par monsieur du canot biplace pour sa femme qui a une
peur viscérale de la crue du siècle et qui souhaitait prendre les
devants en se dotant de cette merveille de technologie. Hors cet
engin destiné à sauver des vies a causé la mort de madame par
incinération. En effet, Mr JEKYLL était sous l’effet de quelques
verres d’alcool pris dans le cadre du dernier congrès sur la
médecine légiste. Une façon bien masculine de célébrer la
fraternité du métier. De retour chez lui, mal lui en pris de
vouloir faire fonctionner sa nouvelle machine. C’est alors qu’il
confondit le sac de charbon avec sa femme, en plein sommeil
paradoxal, pour alimenter la chaudière. La suite, vous la
connaissez. Mr le Juge, personne n’est parfait !
Quelques
minutes interminables passèrent. Le Juge commença à interroger Mr
JEKYLL au sujet de son acte criminel.
Le
Juge : À
aucun moment vous n’avez
douté de la nature intrinsèque du sac que vous incinériez ?
Mr
JEKYLL : Votre
honneur, sauf erreur de jugement, je trouvais bien que le dit sac se
sémillait et ce comme un sac de charbon doit se sémiller. Or il se
trouve que le commerçant d’énergie fossile du coin de l’avenue
où je réside m’a vendu un sac dont le poids s’avéra similaire
à celui de ma femme. Or, sauf votre respect, ce commerçant n’est
pas sur le banc des accusés !
Le
Juge : Je
n’ai jamais entendu un tel témoignage de toute ma carrière. Une
infamie mais êtes-vous sobre Mr JEKYLL ? Le décès de votre
femme vous a-t-il rendu alcoolique ? Si vous continuez d’avoir
de tels propos, je demanderai que l’on fournisse le bourreau afin
de vous coudre les lèvres ! Vous reviendrez le mois prochain
pour la sentence. D’ici-là votre canot biplace est confisqué. Il
attendra sagement le déluge.
À
ce moment-là, une personne affolée surgit dans le tribunal en
vociférant : Une
alerte rouge aux précipitations vient d’être annoncée à
l’Audiovision national ! Evacuez les lieux sur le champ ! »
Le
Juge : La
crue centennale, tous aux abris !
Le
docteur JEKYLL eut un sourire de circonstance. Il savait que le canot
l’attendait tranquillement chez lui. Sa vie sauve aussi, et plutôt
deux fois qu’une !
Mais
une nouvelle fois le sort en allait décider autrement !
Le
Juge ne rentra pas chez lui. Il faisait parti d’une confrérie bien
particulière, La Big Window, un club d’ingénieurs aux idées
dépourvues d’académisme. Cette appartenance dont il était à
l’origine l’amena à rejoindre ses mystérieux collègues
profondément enfouis sous la terre dans un lieu étanche au
gigantisme bien étrange. La gravité de la situation ne semblait pas
l’affecter outre mesure, sa vision du futur allait bien au-delà
d’une telle crainte. Loin de lui était maintenant l’affaire du
docteur JEKYLL, qui faisait pourtant jusqu’à présent la une des
journaux et rendait les femmes hystériques sur le simple fait de
devoir passer devant une chaudière ! Mais rien ne pouvait le
détourner de son dessein, il était le grand maître de la Big
Window !
Depuis
son plus jeune âge le Juge supervisait dans l’ombre son désir de
mégalomanie, celui de faire son pays une nation invincible. Il avait
rassemblé, tout au long de sa carrière, les meilleurs ingénieurs
de sa génération et mit au point une machine infernale répondant
au doux nom de Jack l’éventreur. C’était un tunnelier nouvelle
génération capable d’avaler des kilomètres de terre en quelques
heures. Un engin bien plus performant que celui qui avait percé le
premier tunnel sous une voie navigable. Ce premier tunnel était bien
entendu celui percé sous la Tamise. Il avait donc repris dans le
plus grand secret le schéma qui avait fait tant couler d’encre, le
fameux tracé du tunnel sous la manche. Sauf qu’au lieu d’en
faire œuvre de paix, il décidait dans l’urgence d’une guerre
imminente de le destiner à fesser ces prétentieux de français qui
avaient sali leur honneur ! L’honneur de leur reine !
Trouver
les raisons de cette guerre n’avait aucun intérêt, c’était
comme faire du sport ! C’était une question d’hygiène !
Toutefois il fallait savoir que résonnaient encore dans les mémoires
les derniers échanges entre la reine Victoria et l’empereur
Napoléon III repris dans la presse à scandales comme l’affaire du
Cablophone Royal, cette ligne de communication sous- marine directe
de palais à palais :
L’Empereur :
…mais ma chère Victoria, vous êtes accrochée au pouvoir,
pire qu’une tique sur un testicule de taureau !
La
Reine : Mon
cher Napoléon, votre amour des animaux ne m’étonne plus, mes
amitiés à votre chèvre et tendre !
Crise
de nerfs oblige, la guerre fut déclarée. L’empereur concentra ses
troupes à Calais. Ce fit l’objet d’une mobilisation générale.
Affluaient du plus profond du pays français toute la gente masculine
piquée dans son honneur. A savoir que tous les élevages de chèvre
du pays reçurent le double des subventions habituelles. C’était
une question de crédibilité.
Quelques
mois furent nécessaires pour rassembler la plus grande armée de
France. Un chant de guerre fut même composé pour l’occasion :
« Tactique,
tactique,
Par
la meilleure tactique,
La
reine on châtira !
Tactique,
Tactique,
Dans
quelques tique-tacs,
La
tique périra ! »
De
son côté la reine Victoria limogea son majordome, un féru de
technologie qui avait enregistré la fameuse conversation. Pour
garder l’esprit lucide sur la situation, il fallait se rappeler que
les tensions entre les deux royautés n’étaient pas d’aujourd’hui.
En effet, un projet de tunnel sous la manche, bien officiel,
sommeillait dans les cartons. Un projet politique et économique,
tout ce qu’il y a de plus sérieux et ce, depuis belle lurette. Le
hic, c’est que le gouvernement britannique repoussait aux calendes
grecques son exécution prétextant que l’immoralité de son voisin
viendrait ternir la morale de ses sujets. Les français étaient
tenus pour être de fieffés coquins ! L’Angleterre avait
d’autres chats à fouetter que de passer son temps à juguler
l’arrivée intempestive de bataillons libertins aux maladies
vénériennes bien émancipées ! De tunnel elle ne voulait
pas !
Pour
le Juge, il était grand temps d’agir et les pluies torrentielles
ne lui laissaient plus de marge de manœuvre. Eviter la crue et
gagner la guerre, deux fronts à mener ! L’ordre fut donné.
Le tunnelier ultramoderne passa à l’action. Tel un dragon des
profondeurs gorgé d’énergies telluriques, Jack l’éventreur
broya, avala la terre depuis Londres jusqu’à Calais dans
l’anonymat le plus total et en un temps record. La terrible idée
de relier cette percée au tunnel sous la tamise destiné à sauter
sous l’effet d’une forte charge explosive jamais tentée allait
se concrétiser. Ce cataclysme était destiné à provoquer la
vidange de la tamise et ainsi noyer, des centaines de kilomètres
plus loin, la région de Calais, réduisant à néant les ambitions
du mécréant Napoléon III. Cette opération, la Big Window l’avait
intitulée : « Pas de pitié pour les bouffeurs de
grenouilles ! »
Côté
Calais, l’arsenal des troupes françaises qui s’était constitué
en vue de l’invasion de la perfide Albion n’attendait plus que le
signal pour lancer l’attaque la plus massive jamais tentée.
L’opération s’intitulait : « Un bon rosbif est un
rosbif cuit ! » C’était encore une boutade de
l’empereur, éructée lors d’un de ses repas interminables où le
cerveau finit, au dixième plat, par lâcher prise ! Par
ailleurs, Napoléon était un fin gourmet et la recette des cuisses
de grenouilles sautées à l’ail et au persil le mettait toujours
dans un état proche d’une extase mystique ! L’heure des
préparatifs touchait à sa fin, l’atmosphère semblait chargée
d’électricité. C’est alors que tout s’enchaîna dans une
fureur semblable à la colère des dieux.
La
crue centennale facilita le travail du Juge, amplifiant la force du
volume d’eau destiné à jaillir à l’autre bout du tunnel. Les
pluies diluviennes furent siphonnées par la tamise elle même
siphonnée suite à la fantastique explosion déclenchée par la Big
Window. Jack finit sa course à Calais sous un déluge de molécules
d’H2O ! Plaisanterie répétée par le club des ingénieurs.
Le Juge était ravi. Leur entreprise était un franc succès.
Napoléon était échec et mat.
Quelques
semaines après la défaite des français, humoristiquement relayée
par toute la presse britannique, pour mieux les humilier sous le
titre éloquent de : « Merci pour ce moment » et
bien que n’ayant toujours pas compris comment leur reine décrocha
la victoire, le pays reprit du poil de la bête et oublia
définitivement l’idée d’un tunnel sous la manche. Le Juge,
quant à lui pouvait rire sous cape de la situation. Il dissolu la
confrérie des ingénieurs temporairement et reprit le chemin du
tribunal. Car il n’avait plus qu’une idée, retrouver le docteur
JEKYLL qui n’avait bien sûr pu s’échapper faute de crue
salvatrice. Ce brave docteur qui avait cru, l’espace d’un rêve,
échapper aux poursuites dut revenir à sa morne réalité. Il fut
retrouvé au fin fond de la campagne, installé dans un charmant
cottage aux côtés d’une femme dont la majorité restait à
prouver. Ce qui n’arrangea pas son cas. Jugé manu militari, il
croupit jusqu’à sa mort à la Tour de Londres.
Aujourd’hui,
dans le hall d’accueil de ce lieu historique, les visiteurs peuvent
lire sur un grand panneau d’affichage, les dernières pensées
libres laissées par les prisonniers avant leur incarcération. Une
faveur de la couronne, un geste élégant de la part de la reine. On
pouvait lire sur un des papiers griffonnés :
« Si
un jour l’envie vous prend d’acheter un canot biplace, fuyez en
zone montagneuse, ne gâchez pas votre vie, il existe de meilleurs
moyens pour vous débarrassez de votre femme. Envoyez vos
correspondances à la Tour de Londres, je vous conseillerai avec
plaisir. Appelez-moi Mister HYDE. »
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